Le pharmacien

Les carnets de l'apothicaire

Quand un manga réveille la vocation pharmaceutique

Dans une officine saturée, la fiction peut-elle encore offrir un souffle d’air – ou un sursaut de sens ? C’est le pari, réussi, d’un manga devenu phénomène : Les Carnets de l’Apothicaire (Kusuriya no Hitorigoto). Cette série japonaise, dont l’adaptation animée a conquis des millions de spectateurs, met en scène une jeune apothicaire à la cour impériale. Et contre toute attente, elle touche une corde sensible chez les pharmaciens d’aujourd’hui.

Le manga est japonais. Mais l’histoire se déroule bien en Chine impériale. Mao Mao, 17 ans, travaille comme apothicaire – « kusuri-ya », littéralement « marchande de médicaments » en japonais – dans une échoppe de plantes médicinales, dans le quartier des plaisirs de la capitale. Enlevée et vendue comme servante au palais de l’Empereur, elle se retrouve au cœur d’un univers codifié, figé, et dangereux. Mais son esprit acéré, sa formation en herboristerie et sa passion pour la toxicologie font vite d’elle une alliée précieuse : elle résout des empoisonnements, déjoue les complots et administre remèdes et contrepoisons…sauvant des vies au passage. La série séduira d’ailleurs autant les passionnés d’histoire impériale chinoise que les curieux de médecine traditionnelle orientale, tant elle mêle avec justesse intrigue, culture et savoirs anciens.

Justement, le savoir de Mao Mao, ancré dans une tradition empirique mais rigoureuse, fascine. « C’est passionnant, et plutôt bien fichu sur le plan médical », commente un utilisateur sur SensCritique. Effectivement, il y a bien plus qu’une simple évocation esthétique : plantes ou « simples », fumigations au camphre, métaux lourds, effets différés du plomb : tout y est. Jusqu’à la relation avec le médecin eunuque de la cour intérieure – un charlatan. Au début, il y a des tensions. Mais au fur et à mesure, il devient un allié. Comme beaucoup d’autres intervenants que Mao Mao réussit à séduire, souvent malgré elle.

“Je redeviendrai apothicaire, d’une façon ou d’une autre”

Mais si cette série touche tant, c’est qu’elle réveille une mémoire plus profonde, presque viscérale. En témoigne un post publié mi-avril sur LinkedIn par Guillaume Kreutter, pharmacien. Il y écrit : « La vie des apothicaires… fait rêver. Dans toutes les civilisations et depuis longtemps, l’apothicaire est celui qui soigne… mais aussi qui empoisonne. La vie et la mort dans les mains d’une seule personne. »

Puis il poursuit, dans une envolée devenue virale : « L’apothicaire, et maintenant le pharmacien, est un érudit aux multiples facettes. Il doit savoir aussi cuisiner et faire des préparations, cultiver et connaître les plantes et leurs vertus. Tout cela me rappelle pourquoi j’ai voulu faire ce métier fantastique qu’est pharmacien… Mais surtout me ramène à la dure réalité : exit les plantes, exit les préparations, exit les poisons… On est cantonnés à pousser des boîtes. »

Un cri du cœur qui n’est pas isolé. En quelques lignes, le pharmacien cristallise un mal-être largement partagé. Celui d’un métier vidé de sa substance, sacrifié sur l’autel de la rentabilité, de la logistique et du contrôle. « On sauve des vies, pas des tableurs Excel », conclut-il.

Fiction ou miroir professionnel ?

Ce genre de témoignage met en lumière la résonance inattendue des "Carnets de l’Apothicaire". Dans un monde professionnel parfois déserté de sens, cette fiction propose une figure alternative du pharmacien : savant, discret, puissant, au service du bien commun. Et surtout central. Ni gestionnaire de stock, ni simple distributeur.

Si l’univers de Mao Mao emprunte au conte, il n’en dit pas moins quelque chose de vrai : le savoir comme boussole, le doute comme méthode, la préparation comme art. Derrière ses gestes précis et son esprit critique, se dessine en creux le portrait d’un pharmacien que beaucoup rêveraient de redevenir.

Une série à conseiller… ou à prescrire ?

« Les Carnets de l’apothicaire » est à l’origine une série de light novels – un format littéraire japonais hybride, pensé comme une passerelle entre roman, manga et anime – écrit par Natsu Hyuuga et illustré par Touko Shino (toujours en cours, une quinzaine de volumes ont été publié depuis 2014). Elle a ensuite été adaptée en manga, puis en anime (2023). Le succès est croissant à chaque adaptation, avec une nette montée en popularité depuis la sortie de l’anime sur Netflix, où la première saison est disponible depuis peu. L’anime fait d’ailleurs partie des titres les plus aimés. La deuxième saison est en cours de diffusion sur Crunchyroll, qui a l’exclusivité du titre en France et en Belgique.

Le manga a sa place dans une bonne bibliothèque. Et l’adaptation en anime est de qualité. "Les Carnets de l’apothicaire" fait partie de ces séries qui se regardent très facilement et qui se partagent. Non pour ses vertus pédagogiques – bien qu’elles existent – mais pour ce qu’elle offre de plus précieux : le partage, l’occasion de renouer avec la curiosité, la précision, l’indépendance d’esprit.

On ne saurait trop recommander la découverte de cette série, ne serait-ce que pour amorcer, avec un patient ou un proche, une conversation différente autour d’un sujet qui vous tient à cœur : votre métier. Car au-delà de l’esthétique, c’est une œuvre qui rappelle – certes de manière romancée – qu’un pharmacien, ce n’est pas un simple distributeur de boîtes, mais un professionnel du soin à part entière.

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Écrit par Laurent Zanella7 mai 2025
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