Le zona pendant le traitement contre le cancer: la triple peine

Les patient dont l'immunité est affaible pendant la lutte contre une tumeur risquent, trois fois plus que les autres, de réactiver le virus du zona, latent dans l'organisme. Le Pr Arjen Nikkels sensibilise sur l'importance d'une prise en charge rapide du zona.
Souvent sous-estimé, le virus de la varicelle, présent chez 95% des adultes, reste latent dans l'organisme et peut se réactiver à tout moment sous forme de zona (herpès zoster), en particulier en cas d'affaiblissement du système immunitaire. Chez de nombreux patients atteints de tumeurs solides, ce risque est multiplié par trois à quatre en raison des traitements qui affaiblissent considérablement leurs défenses immunitaires, tels que la chimiothérapie et la radiothérapie. Les conséquences peuvent être lourdes: douleurs nerveuses intenses, complications à long terme comme la névralgie post-zostérienne, voire des hospitalisations.
Par ailleurs, 60% des patients atteints de cancer avec une tumeur solide présentent un risque accru prouvé de zona. C'est ce qu'a vécu Delphine Remy. Sortie du monde de la finance, elle est successivement interprète médicale pour des réfugiés, prof de français, chef privé et traiteur, puis nutrithérapeute. "C'était envirant mais épuisant", se souvient-elle. "C'était trop, peut-être l'ai-je compris un peu trop tard...". En juin 2019, à 45 ans, sa vie change lorsque les médecins lui diagnostiquent un cancer du sein hormonodépendant. " Il était petit, mais très agressif. Il a entraîné tous les traitements lourds: des opérations, chimiothérapies, radiothérapies et hormonothérapies."
La possibilité des formes atypiques chez le patient immunodéprimé est souvent la cause d'un traitement antiviral trop tardif, augmentant les risques des douleurs post-zostériennes.
"Un nain qui frappait dans ma tête"
La double peine de la maladie et de ses lourds traitements va alors se tripler d'un mal supplémentaire: "Le zona est arrivé après la première chimio. Ça a commencé par un petit bouton, tout simple. Je suis allée à la pharmacie et, là, la pharmacienne n'était pas du tout à l'aise. Elle a vu que je n'avais pas de cheveux, donc elle a compris que j'étais immunodéprimée. Elle m'a dit 'écoutez, je ne suis pas médecin, mais il se pourrait que ce soit un zona ophtalmique'. Effectivement, ce tout petit point rouge commençait à s'étendre."
La semaine suivante, quand elle retourne en chimiothérapie, Delphine en parle à son oncologue. "J'ai eu le temps d'avoir ces douleurs nerveuses, j'avais vraiment l'impression d'avoir un petit nain qui tapait avec un marteau ou avec un couteau. Ce sont des lancements presque électriques, c'est hyper désagréable. Je me souviens même d'avoir tenu ma tête. Il n'y avait plus de doute, c'était évident que c'était un zona."
Chef du service de dermatologie et vénérologie au CHU de Liège, le Pr Arjen Nikkels répond à nos questions.
Le journal du Médecin: Comment distinguer les symptômes du zona d'autres douleurs ou éruptions cutanées chez un patient sous chimiothérapie?
Pr Arjen Nikkels: Les premiers symptômes du zona sont l'apparition d'une douleur lancinante unilatérale, le plus souvent au niveau thoracique ou le visage. Ces douleurs peuvent être présentes entre deux à six semaines avant l'apparition des lésions cutanées. La présence d'une douleur localisée et unilatérale, peu répondant au paracétamol, et une éruption également unilatérale et localisée, qui dure entre dix à 20 jours sont les principales caractéristiques qui distinguent le zona des autres manifestations douloureuses et cutanées
Le zona peut-il aggraver l'état général d'un patient atteint de cancer ou compliquer son traitement?
À cause de la douleur nerveuse, la douleur des lésions cutanées, d'un risque de surinfection des lésions cutanées, le zona a un effet négatif très important sur la qualité de vie du patient, qui est souvent déjà impacté par le cancer.
Quels traitements sont disponibles pour soulager les douleurs du zona et éviter les complications comme la névralgie post-zostérienne?
Actuellement, il n'y a que l'initiation très rapide d'un traitement antiviral par aciclovir (oral ou en intraveineux) ou valaciclovir (oral) qui peut aider à atténuer les signes et symptômes du zona. Ce traitement antiviral diminue le risque des douleurs post-zostériennes sans pour autant pouvoir garantir qu'elles n'apparaissent pas.
Pourquoi cette complication reste-t-elle encore trop peu prise en compte en oncologie? Est-ce un manque de sensibilisation?
La méconnaissance de la pathologie, la difficulté de la reconnaitre avant la présence des lésions cutanées et la possibilité des formes atypiques chez le patient immunodéprimé sont souvent la cause d'un traitement antiviral trop tardif, augmentant les risques des douleurs post-zostériennes.
Des recherches sont-elles en cours pour développer des traitements plus efficaces contre le zona, notamment chez les patients immunodéprimés, et quelles sont les perspectives dans ce domaine?
En termes de traitement, il n'y a pas d'avancées récentes et le traitement actuel repose toujours sur l'utilisation la plus rapide possible des substances antivirales. Néanmoins, une vaccination très efficace existe pour réduire très significativement le risque de voir apparaitre un zona et par conséquent des douleurs post-zostériennes. L'efficacité vaccinale est très élevée et le vaccin peut être administré chez le patient immunodéprimé. Le vaccin est indiqué pour toute personne âgée de 65 ans et plus, et est remboursé pour le patient immunodéprimé âgé de 18 ans et plus.