L'ascension et la chute de Tesla

Elon Musk, patron de Tesla, a rendu la voiture électrique séduisante et populaire. Mais depuis qu'il bouleverse brutalement la société américaine en tant que conseiller du président Trump, de nombreux adeptes de la première heure se détournent désormais de Tesla.
L'histoire de la vie d'Elon Musk, ingénieur et homme d'affaires né en Afrique du Sud, est une succession de hauts et de bas. Devenu l'homme le plus riche du monde (rien que son portefeuille d'actions Tesla vaut 150 milliards de dollars), il ambitionne désormais de devenir aussi le plus puissant.
La valorisation boursière de Tesla oscille autour de 700 milliards de dollars, ce qui en fait une entreprise plus cotée en bourse que ses 17 plus grands concurrents réunis. Son ratio cours/bénéfice s'élève à 135,49, contre 6,19 pour Mercedes et 5,96 pour BMW. Ce coefficient exceptionnellement élevé repose sur la conviction des investisseurs que Tesla sera la première marque à rendre la conduite autonome possible, une promesse faite en 2015 par Musk, mais toujours non tenue.
Conquérant du monde
Au début de sa carrière, Musk se présente comme un philanthrope soucieux de l'environnement. Mais l'an dernier, sa trajectoire a pris un tournant radical. Avec un don de 250 millions de dollars, il a largement contribué à la réélection de Donald Trump. Un geste qui n'est pas resté sans retour: le nouveau président lui a confié la mission d'organiser plus efficacement les services publics américains.
Musk s'y est attelé avec une telle brutalité que les services publics aux États-Unis ont été rapidement déstabilisés. Celui qui se proclamait bienfaiteur du monde s'est transformé en conquérant, n'hésitant pas à faire publiquement un salut hitlérien.
Honte
Après le départ de plusieurs hauts dirigeants, de nombreux propriétaires de Tesla tournent également le dos à leur ancienne marque favorite. L'adoration cède la place à une "honte de posséder une Tesla", entraînant une chûte des ventes: -63% en France, -60% en Allemagne, -44% en Suède et -38% en Norvège.
Elon Musk s'attire aussi la colère des sociétés de location de voitures. Dans une tentative d'enrayer la chute des ventes, il a tellement réduit le prix net de certains modèles qu'ils sont désormais moins chers que des véhicules d'occasion, entraînant une forte dépréciation de leur valeur résiduelle. Résultat: le modèle économique des entreprises de leasing ne tient plus la route.
Dans le même temps, l'avance technologique de Tesla s'amenuise. En matière de logiciels et d'efficacité, certaines marques chinoises font désormais mieux. Quant à la fiabilité, à la qualité des matériaux et aux finitions, Tesla ne peut rivaliser avec les constructeurs allemands haut de gamme. Le TÜV Report 2025 en apporte la preuve: la Model 3 de Tesla y est classée comme le pire élève, derrière tous les modèles de toutes les marques.
Tesla est également réputée pour son manque de considération envers ses clients. L'entreprise se montre inflexible avec ceux qui subissent des préjudices, met des années à commercialiser de nouveaux modèles et nourrit des attentes qui ne sont jamais satisfaites, comme avec le Model 2. Certains affirment que cette citadine abordable est tout simplement abandonnée, jugée insuffisamment rentable par Musk.
Enfin, Tesla ne parvient toujours pas à tenir ses promesses sur la conduite autonome. Selon les experts, l'"autopilot"repose sur des technologies bon marché qui ne garantissent pas une sécurité totale sur la route. Un récent rapport d'expertise, commandé par le tribunal de Traunstein, qualifie même le fonctionnement de l'"autopilot"d'une Model 3 de 2022 d'"insuffisant".
Fin de l'histoire?
Sommes-nous en train d'assister au début de la fin pour Tesla? Il est peu probable que Musk laisse son entreprise chérie dépérir sans réagir. Vu ses parts dans la société, sa fortune personnelle est en jeu.
Dos au mur, Musk est capable de tout. Il pourrait très bien supprimer l'organisme de régulation chargé de vérifier le bon fonctionnement des systèmes d'aide à la conduite censés permettre la conduite autonome. Ou encore, il pourrait conclure des accords bilatéraux avec des constructeurs automobiles européens proches de lui, afin de contourner la Commission européenne. On sait que BMW et Mercedes entretiennent des relations avec les nouveaux maîtres de la Maison-Blanche.
Rappelons-le: pour Musk, la fin justifie les moyens. Il n'a pas été élu et n'a donc de comptes à rendre ni aux électeurs ni au Congrès. Son seul objectif est de devenir encore plus riche et plus puissant. Dans cette perspective, on comprend mieux pourquoi de nombreux conducteurs de Tesla tournent le dos à la marque. Une opportunité pour Polestar et d'autres concurrents de sortir de l'ombre.