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Le secret des bienfaits de la thalassothérapie? Une relation soignant-soigné de qualité, dans un environnement bienveillant

Juillet 2025 - Médecin aux thermes marins de Saint-Malo (France), la Dre Hélène Gaumerais évoque les vertus médicales de la thalassothérapie.

La Dre Hélène Gaumerais est médecin du sport, avec un parcours atypique, œuvrant, durant une quinzaine d'années, auprès de MSF Belgique, l'OMS et l'Unicef en médecine humanitaire à Genève et New York. Cette praticienne est volontairement venu « s'échouer » au bord de cet océan atlantique qu'elle adore, et dont elle décrit les vertus.

Le Journal du médecin : Quelle est la différence entre thermalisme et thalassothérapie ?

Hélène Gaumerais
La Dre Hélène Gaumerais

Dre Hélène Gaumerais: La thalassothérapie est l'utilisation de l'eau de mer, du climat marin et des algues marines, dans un but préventif ou curatif. Le thermalisme poursuit le même but en utilisant une eau thermale. L’appellation « eau thermale » est délivrée par le ministère de la Santé. Les eaux thermales sont d’origine souterraine. Elles sont classifiées en cinq groupes d’eaux minérales naturelles: bicarbonatées, sulfatées calciques, chlorurées, sulfurées et oligométalliques.  Leur composition chimique est constante, et reconnue pour leur service médical rendu, d’où un remboursement des cures thermales (en France, NdlR).

L’eau de mer est un élément vivant constitué de phytoplanctons. Elle renferme tout ce qui est essentiel à la vie de nos cellules: des sels minéraux, des oligo-éléments, des vitamines. Par contre, contrairement aux eaux thermales, la composition chimique de l’eau de mer fluctue, avec des dosages en vitamines ou phytoplanctons variables selon les lieux et les saisons. N’ayant pas de critères chimiques de stabilité constants, comme l’est un médicament, l’eau de mer a perdu, en 1982, son AMM (autorisation de mise sur le marché, NdlR). Même si l’eau de mer n’a pas une composition chimique stable, c’est l’eau la plus minéralisée: elle contient 96 minéraux et oligo-éléments bénéfiques pour notre santé. Notre corps a la capacité d’assimiler minéraux et oligo-éléments.

Quel est leur rôle ?

On ne peut pas vivre sans sels minéraux. Les oligo-éléments sont en infime quantité dans notre organisme. Ils sont nécessaires à notre métabolisme, et jouent le rôle de catalyseurs de réactions biochimiques, un peu comme une étincelle qui démarre le moteur d’une voiture. Ils interviennent dans l’homéostasie, c'est-à-dire l’équilibre de l’organisme. Ils peuvent aussi parfois activer des hormones, comme le zinc par exemple, qui active la thymuline et a un rôle dans la maturation des cellules immunitaires (lymphocytes T).  Ces cofacteurs agiraient sur le stress oxydatif et sur l’immunité. Lors de processus inflammatoires, ou sous le stress, ils participeraient à la lutte contre la formation des radicaux libres. 

L’air marin, lui, est riche en ions chargés négativement. Leur inhalation renforce l’immunité tissulaire (Ig A). Les aérosols marins ont un effet décongestionnant sur les vois aériennes. Par ailleurs, dans l’eau de mer, la portance est beaucoup plus grande que dans l’eau thermale (eau douce). Dans les eaux bretonnes, la salinité est de 32g/l. Cette portance de l’eau de mer est utilisée pour diminuer les contraintes sur les articulations et les os fracturés. On pèse 1/10e de son poids quand on a de l’eau jusqu’au cou, et un muscle réduit au 1/10e de sa force, incapable de mobiliser un segment de membre à sec, pourra le faire en immersion dans l’eau de mer.

Une étude effectuée par des médecins militaires français semble apporter du crédit aux bienfaits de la thalassothérapie...

thalassoEn 2018, l’Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA) a effectué une étude scientifique aux thermes marins pour évaluer les bénéfices d'un court séjour de thalassothérapie sur la santé et le bien-être physique de militaires qui, bien souvent, enchaînent les missions sur des terrains difficiles.
Pendant trois jours, 11 volontaires ont bénéficié de massages sous affusion, d'enveloppements d’algues, de douches sous-marines, de drainages marins, de bains multijets, de piscines de jets cervicaux et lombaires et de piscine de relaxation. Les sujets étaient leurs propres témoins. Une batterie de tests a été effectuée, avant et après les soins, pour évaluer leurs niveaux de fatigue, d'anxiété, leurs capacités cognitives, leur humeur, le bien-être ressenti, leur souplesse, leur détente verticale et leur équilibre. Des tests sanguins et prélèvements salivaires ont été effectués, leur sommeil a été monitoré par EEG. En trois jours seulement, les résultats ont montré une amélioration du sommeil, un état de fatigue moindre, des douleurs diminuées, des niveaux d’anxiété et de dépression abaissés, un contrôle postural et un équilibre améliorés, avec une meilleure détente verticale, une meilleure souplesse et, biologiquement, une augmentation de la testostérone chez les hommes.

Une étude qui vient battre en brèche la réticence de certains à reconnaître les bienfaits de la thalassothérapie ?

La quête de reconnaissance scientifique et de crédibilité de la thalassothérapie reste un défi permanent. Outre cette étude de 2018, une autre étude scientifique a été effectuée aux thermes marins en 2005, lors d’une collaboration avec l’INSEP (Institut national du sport, de l’expertise et de la performance). Des résultats similaires ont été observés, avec un gain de souplesse mesuré chez les athlètes participants.
Pour être crédible, un centre doit présenter des infrastructures de bonne qualité, des soins bien organisés et des équipes de soins compétentes et rigoureuses dans l’hygiène. L’eau de mer utilisée pour les soins et les piscines doit être de bonne qualité. L’eau de mer est pompée devant les thermes à 700 mètres du rivage et à 8 mètres de profondeur en moyenne.

Quels sont les bienfaits des cures, au plan préventif et curatif ?

La thalassothérapie mérite mieux que la qualification réductrice de remise en forme. Les cures de thalassothérapie présentent de nombreux bienfaits, tant dans le domaine curatif que dans le domaine préventif. Elles permettent d’améliorer les capacités fonctionnelles des articulations et la souplesse des tissus. Les douleurs articulaires au quotidien sont diminuées. Les cures de thalassothérapie permettent aussi une diminution de la consommation d'antalgiques, d'anti-inflammatoires et d’éventuels somnifères et anxiolytiques, souvent plusieurs mois après la cure.

thalassaDans les cures santé, on accueille des patients qui viennent avec des pathologies d’arthrose, des porteurs de prothèses, des personnes accidentées après des fractures ou des entorses, des pathologies rhumatismales et neurologiques (fibromyalgies, maladie de Parkinson, sclérose en plaques), des personnes présentant des cancers. Les cures santé peuvent permettre aussi de mieux gérer son poids, d’améliorer sa condition physique, son tonus, son sommeil.

Le centre de thalassothérapie peut être un lieu d'éducation à la santé pour les personnes atteintes de maladies chroniques liées au mode de vie, telles que l’obésité ou le diabète, et aussi pour les personnes souffrant d’insomnies ou de stress. L’équipe médicale et paramédicale est multidisciplinaire: nutritionniste, éducateurs sportifs, esthéticiennes, hydrothérapeutes, kinés, médecins.

Les types de soins sont-ils variés ?

On peut les diviser en deux types: des soins actifs, où la personne est en mouvement, et des soins passifs, de relaxation musculaire, d’hydrothérapie et d’algothérapie. Les soins visent à rééduquer, apporter de la détente et du bien-être, se remettre au sport ou se préparer à une activité sportive, perdre du poids.

Les soins actifs permettent de retrouver une bonne condition physique, d'améliorer ses articulations, ses amplitudes de mouvements, de renforcer ses muscles. Les kinésithérapeutes accompagnent les curistes dans les piscines de soins de kinébalnéothérapie, d’aquastretching pour pratiquer des étirements, de soins pour améliorer le retour veineux. Il existe aussi des piscines de rééducation personnalisées, où le kiné vient mobiliser les articulations douloureuses et enraidies du patient. Il existe des ateliers pour travailler l’équilibre, des séances de yoga postural, du ballon de Klein et une gymnastique rééducative du rachis. Les soins collectifs en piscine proposent aussi des jets sous-marins réglables en puissance et en direction. Les séances d’aquagym, d’aquabike, d’aquatraining servent à travailler son souffle et aider à la perte de poids.

Les soins de détente concourent essentiellement au relâchement musculaire, sous différentes formes, de bains, de douches, d’enveloppements d’algues. Les bains sont des hydromassages par bouillonnements, microbulles ou jets multiples selon l’effet recherché. Les douches se déclinent en douches à affusion sous une rampe de brumisation, pour un effet sédatif ou relaxant, drainages marins à visée circulatoire, douches sous-marines pour un effet décontractrurant en profondeur. Les enveloppements d’algues ont un effet antalgique, nourrissant pour la peau et minéralisant.

Vous accueillez également des patients en rémission de cancer, qui viennent après leur chimiothérapie...

Les séjours de thalassothérapie permettent aux personnes atteintes de cancer de retrouver un équilibre psychologique, des capacités physiques et une vie sociale. Ces personnes présentent souvent une altération de l’état général en lien avec le processus néoplasique et les traitements qui diminuent la réponse immunitaire de l’organisme. Fatigue, douleurs, altération de l’estime de soi, représentation sociale négative de la maladie sont souvent observés.

Les séjours comportent des séances de kinébalnéothérapie pour se remuscler, se rééduquer, se remettre en mouvement et des séances de massages. Le toucher est important pour réduire l’anxiété et le stress et améliorer le sentiment de bien-être. On soigne le corps à travers le toucher. Les massages sont des moments privilégiés de bienveillance et de douceur, utiles pour habiter son corps, se réconcilier avec lui et retrouver l’estime de soi. 

Les séjours sont compatibles avec tous les types de cancer, mais le médecin de cure doit personnaliser la cure, adapter le nombre et le type de soins en fonction du stade de la maladie et du niveau de déconditionnement physique. La personne doit avoir l’aval de son oncologue et se munir, si possible, d’un certificat de non-contre-indication à la cure. Nous avons par exemple un partenariat avec le centre anticancéreux de Rennes, le centre Eugène Marquis qui nous envoie beaucoup de ses patientes suivies pour cancer de sein. Il faut attendre huit semaines après une chirurgie ou une curiethérapie, et six semaines après une radiothérapie. Évidemment, on sursoit à la cure si une infection est en cours.

Un virologue français connu prétend que le bienfait, souvent, de l'homéopathie, qu'on y croie ou pas, résulte dans le fait que les médecins prennent le temps et que les personnes sont écoutées. En thalassothérapie, on prend également "soin" de la personne ?

À l'heure actuelle, de plus en plus de personnes n'ont plus de médecin traitant... ou celui-ci est débordé. Consacrer du temps à chacun, être à l’écoute des attentes de la personne qui vient en cure me semble primordial. La rencontre avec le médecin permet de prendre en compte la personne dans sa globalité, et d’adapter la cure à son état de santé et à ses attentes. À mon sens, la bonne qualité de la relation soignant-soigné, alliée à un environnement bienveillant, sont de précieux atouts dans les processus thérapeutiques.

En bons thermes

thermesPalace au style éclectique de la fin 19e siècle, à la grande époque des bains de mer, les thermes marins de Saint-Malo doivent leur développement médical au Dr Héger de Rennes, qui y a fondé un centre de rééducation par la thalassothérapie dans les années 1960. Repris vingt ans plus tard par Serge Raulic, ancien collaborateur de Louison Bobet à Quiberon, ce dernier en fait un cinq étoiles des plus cosy, étonnamment familial, de 167 chambres, doté d'un centre de wellness de quatre piscines, de deux restaurants gastronomiques, d'une vue imprenable sur la plage du Sillon. Tout en continuant à valoriser le volet médical puisque qu'on trouve, parmi les 450 collaborateurs qui font vivre ce "paquebot" amarré aux flots, une équipe de trois médecins, dix kinés, une diététicienne, une nutritionniste, 50 hydrothérapeutes, 45 esthéticiennes et de dix coaches sportifs, en charge de pas moins de 90 cabines de soins.

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Écrit par Bernard Roisin2 juillet 2025
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